Le 7 février, la Fondation canadienne de recherche sur le sida (CANFAR) a rendu public son plan stratégique pour mettre fin au VIH au Canada d’ici fin 2025. Elle y mettait notamment en relief la hausse des cas de VIH au Canada.
Le Canada a connu une augmentation de 24,9 % des nouveaux diagnostics de VIH en 2022 par rapport à 2021, la Saskatchewan et le Manitoba étant en tête du taux de nouveaux diagnostics dans le pays, avec 19,0 et 13,0 pour 100 000, contre une moyenne nationale de 4,7. Cette augmentation du nombre de nouveaux cas n’a pas été observée depuis plus de dix ans.
Extrait du communiqué de la CANFAR
Face à ce constat, la CANFAR émet trois priorités d’actions, axées sur:
*Le financement en question concerne spécifiquement la recherche « sur la prise en charge des problèmes de santé rencontrés par les populations Autochtones, les populations Africaines, Caribéennes et Noires, les femmes racisées et les personnes qui consomment des substances et s’injectent des drogues. »
La COCQ-SIDA tient avant tout à souligner la publication de ce plan d’action, auquel elle a eu la chance de participer, à travers les procédés consultatifs menés par la Fondation. Nous félicitons cette dernière pour ce travail de longue haleine et ce résultat percutant.
La hausse des cas de VIH fait parler
Percutant, car ce communiqué a fait parler. Entre autres, le Sénateur René Cormier a pris la parole ce 13 février au Sénat du Canada, synthétisant les éléments clés de la publication de CANFAR et rappelant aux élu·es la nécessité d’agir ensemble et rapidement.
Plusieurs médias québécois ont également réagi au communiqué, notamment Le Devoir et Radio-Canada, qui ont abordé le sujet avec le Dr Réjean Thomas, de la clinique L’Actuel.
Ce dernier fait directement écho à certains propos de la CANFAR, particulièrement sur les questions de sensibilisation et d’accès aux soins.
Pour lui, plusieurs obstacles dans ces deux secteurs viennent de la banalisation du VIH suite aux diverses avancées scientifiques. Il met d’abord en lumière la quasi disparition des efforts d’éducation de masse en matière de VIH et de santé sexuelle.
Vous savez, tous les jours il y a des campagnes de prévention à la télévision : la lutte contre le tabagisme, la lutte contre l’alcool, les drogues… Les ITSS et le VIH, c’est zéro.
Dr Réjean Thomas dans Le Devoir
Il parle aussi d’un manque de connaissances flagrant chez les professionnel·les de la santé, notamment sur le sujet de la PrEP (prophylaxie pré-exposition), qui prive certain·es patient·es de ce traitement préventif dont ils ou elles pourraient grandement bénéficier.
[Un] médecin a dit [à un jeune de 20 ans] : “Mon Dieu, je ne sais pas ce que c’est, il faut que tu ailles à Montréal” […] Quand il est arrivé à mon bureau, il était déjà infecté par le VIH. Un jeune de 20 ans.
Dr Réjean Thomas dans Le Devoir
La question du dépistage, elle, est davantage explorée dans un article paru le 11 février dans La Presse, basé sur une entrevue avec M. Alex Filiatrault, président directeur général de la CANFAR.
Le contexte de la pandémie de COVID-19, qui a mis beaucoup de pression sur le système de santé, a changé l’accès au dépistage dans plusieurs régions du Canada, a expliqué en entrevue Alex Filiatrault […] Selon lui, cela a possiblement eu un impact sur les résultats de 2022, isolant davantage des communautés qui ont déjà des difficultés d’accès au système de santé.
Katrine Desautels dans La Presse
Les actions du communautaire
La COCQ-SIDA partage les constats et revendications ci-haut. Notamment, l’accessibilité du dépistage et des traitements sont des dossiers qui nous préoccupent tout particulièrement. Il s’agit d’ailleurs des deux premiers axes d’action de notre propre Riposte communautaire québécoise au VIH/sida 2021-2025.
La sensibilisation est aussi dans l’ADN de la COCQ-SIDA, qui offre des formations aux professionnel·les de la santé (présent·es ou en devenir) et a produit de nombreuses campagnes à travers les décennies, incluant la récente i=i change le monde du VIH.
Le coeur de notre mission demeure, toutefois, de soutenir et mettre en lumière les expertises de nos organismes-membres.
Ce sont en effet eux qui, en oeuvrant quotidiennement sur le terrain, sont les mieux placés pour rejoindre les populations considérées les plus à risque d’infection par le VIH. Pour les personnes que le système de santé ne rejoint pas, voire exclut, ils offrent un accueil sans stigmatisation, sans discrimination et sans crainte de criminalisation.
Cela leur permet d’oeuvrer directement sur l’accès au dépistage, par exemple, en offrant des cliniques régulières avec des infirmières, ou en distribuant des autotests.
Enjeux de financement et de pérennité
Cependant, leurs missions demeurent drastiquement sous-financées et les financements complémentaires par projets ne permettent pas la pérennisation des programmes, malgré l’efficacité et l’impact de ces derniers.
Les organismes sont aussi dépendants de certains programmes fédéraux dont la continuité n’est pas assurée, comme le programme fédéral de distribution des autotests lancé en août 2022, durant la 24e Conférence internationale sur le sida (AIDS 2022).
Selon nous, ces problèmes de financement et de stabilité, qui empêchent les acteur·trices les mieux outillé·es sur le sujet d’accomplir pleinement leur mission, mettent le Québec et le Canada à risque de conserver cette tendance à la hausse des cas de VIH.
Travailler de concert pour contrer la hausse des cas de VIH
Nous avons les expertises et les solutions: il s’agit maintenant de pouvoir les actionner! Nous réitérons donc, à l’instar de la CANFAR, notre volonté de travailler de concert avec les différents paliers de gouvernement, afin qu’ensemble, nous puissions mettre fin au VIH/sida, au Canada et au Québec.