Pour un accueil sans préjugé
Depuis 40 ans, les connaissances à l’égard du VIH ont évolué très rapidement. À un point tel qu’aujourd’hui, on peut affirmer que les traitements actuels contre le VIH sont efficaces à contrôler le développement de l’infection chez les personnes vivant avec le VIH et à prévenir l’infection chez les personnes ne vivant pas avec le VIH.
Les avancées scientifiques ont ainsi fait reculer la mort associée à l’infection au VIH. Elles en ont fait une maladie chronique sur le long terme. Les personnes vivant avec le VIH peuvent donc profiter d’une vie aussi longue que celle des personnes ne vivant pas avec le VIH. Ces connaissances ont fait naître, au sein du milieu de lutte contre le VIH, l’espoir d’éradiquer l’épidémie une fois pour toutes.
Cet espoir et ces avancées scientifiques n’ont pas eu l’impact escompté sur les multiples inégalités auxquelles les personnes vivant avec le VIH et l’ensemble des populations fortement affectées sont confrontées. L’infection par le VIH est toujours perçue comme une maladie honteuse qui touche des populations ostracisées. Ainsi, les personnes vivant avec le VIH et les populations à haut risque d’infection par le VIH continuent d’être discriminées et rejetées. Ces rejets et ces discriminations peuvent avoir des impacts négatifs sur la santé des individus. Elles peuvent faire en sorte qu’une personne préfère ne pas savoir vivre avec le VIH, ce qui la prive de soins et de traitements efficaces le cas échéant. Ces discriminations font aussi en sorte d’éloigner des soins et des traitements des populations fortement discriminées telles que les travailleuse⋅eurs du sexe, les personnes trans, les personnes consommatrices de drogues, les personnes en situation d’itinérance, les personnes au statut d’immigration précaire ainsi que les hommes gais, bisexuels et les hommes hétérosexuels qui ont, ici et là, des relations sexuelles avec des hommes. Le fait de ne pas consulter un médecin ou de ne pas se rendre dans un CLSC peut être le fruit d’une expérience vécue de discrimination ou de la peur anticipée d’être discriminé⋅e.
– Accès au dépistage
Le dépistage du VIH et des autres infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) est un des piliers de la prévention. Connaître son statut sérologique, traiter les infections lorsqu’elles se présentent et avoir un accès aux services de soins nécessaires contribuent à contrôler ou prévenir l’infection par le VIH ou par les hépatites, à éradiquer les ITSS et ainsi briser la chaîne de transmission, et à augmenter la capacité des individus à négocier des pratiques sexuelles sécuritaires.
Pour ces raisons, le dépistage devrait être accessible à tous et à toutes. Ce n’est toutefois pas toujours le cas, dans la mesure où :
- le système de la santé est chroniquement surchargé et manque d’effectifs, ce qui limite les plages horaires dédiées au dépistage
- la pandémie de COVID-19 a accentué cette surcharge , ce manque et cette limitation
- le dépistage ne peut être effectué que par une infirmière, un·e médecin ou une sage-femme, ce qui limite également les possibilités
- les populations clés dans la lutte au VIH sont victimes de discriminations et de préjugés. Certaines sont mêmes criminalisées, ce qui peut entraîner une peur de se présenter en milieu de soins ou devant un·e professionnel·le de la santé
- le dépistage peut être anonyme, mais si une personne souhaite avoir un suivi suite à son dépistage, elle doit présenter sa carte d’assurance-maladie : les personnes à statut d’immigration précaire, les personnes en situation d’itinérance et les personnes pour qui la confidentialité est importante peuvent donc être moins enjointes à se faire dépister du fait de cette mesure
– Accès aux soins et aux traitements
L’accès aux soins et aux traitements est primordial pour mettre fin à l’épidémie de VIH. Qu’il s’agisse de l’accès à un médecin de famille, à l’hospitalisation, aux antirétroviraux appropriés ou à la PrEP, il devrait être universel.
Ce n’est toutefois pas toujours le cas, pour plusieurs raisons :
- la sérophobie dans le système de la santé est encore présente et entraîne parfois des refus de traitement ou de prescription et des divulgations non-consenties qui brisent l’obligation de confidentialité, de respect de la vie privée et de respect du secret professionnel
- face à cela, et au fait que les populations clés dans la lutte au VIH sont victimes de diverses autres discriminations et criminalisations, beaucoup préfèrent ne pas se présenter en milieu de soins ou devant un·e professionnel·le de la santé, par peur que cela occasionne plus de torts que de bienfaits
- la carte d’assurance-maladie, qui couvre les frais médicaux, les consultations médicales et les hospitalisations, n’est pas accessible aux personnes à statut d’immigration précaire et aux personnes en situation d’itinérance, alors qu’elles font partie des populations clés et, de manière générale, des populations qui en ont le plus besoin
- même lorsqu’on a la carte d’assurance-maladie, l’accès à un·e médecin de famille n’est pas encore universel et les démarches pour obtenir un rendez-vous médical sont longues et fastidieuses
- les coûts élevés des traitements antirétroviraux ainsi que de la PrEP peuvent être, pour certaines personnes, une barrière d’accès au traitement, nuisant ainsi au maintien de leur santé
- Que ce soit le régime privé ou public, l’assurance-médicament du Québec nécessite un déboursé annuel supérieur à 1100$; un montant qui peut aussi s’avérer une barrière d’accès aux traitements
– Accès sociaux égalitaires
Il est reconnu que les inégalités sociales peuvent avoir un impact négatif sur la santé des individus. Les personnes vivant avec le VIH et les populations clés ne font pas exception à cette règle. Plus elles sont affectées par une ou des inégalité(s) sociale(s), plus il y a de chance que leur santé en pâtisse. C’est ce que nous nommons communément les déterminants sociaux de la santé.
Être en santé est une situation où il y a présence de bien-être physique, mental et social. La bien-être social inclut des aspects tels que le logement, l’alimentation, le revenu, l’éducation et le statut social.
On a démontré, dans le cadre d’une recherche communautaire, que les personnes vivant avec le VIH étaient sept fois plus susceptibles de vivre de l’insécurité alimentaire que l’ensemble de la population en général. Quant aux personnes vivant avec le VIH qui ont accès à une alimentation de qualité, elles sont moins affectées par l’infection au VIH, peuvent mieux contrôler la prise de leurs médicaments et elles sont moins susceptibles de subir de la discrimination.
La recherche a aussi démontré que la stigmatisation et toute forme d’exclusion sociale éloignent les personnes discriminées des lieux de dépistage et de soins et par conséquent les éloignent des traitements efficaces.
C’est pour cela que le milieu communautaire VIH milite pour la justice sociale à travers différentes voies. On peut ainsi parler de recherche communautaire, de plaidoyer, d’accompagnement juridique, de sensibilisation (notamment par le témoignage) et de formations de reprise de pouvoir et de leadership.
– Le communautaire, un lieu d’accueil sécuritaire et respectueux
Le milieu communautaire québécois de lutte au VIH prend action pour soutenir et accompagner les personnes vivant avec le VIH et les populations clés dans leur accès au dépistage, aux soins et aux traitements. Le milieu milite également activement pour les droits humains, car c’est à travers les inégalités sociales que l’épidémie de VIH se perpétue. C’est donc en mettant fin à ces inégalités qu’on mettra fin au VIH.
Pour faire face aux problèmes d’accès au dépistage, les organismes communautaires québécois de lutte au VIH :
- éduquent et informent sur les modalités du dépistage au Québec
- offrent un accompagnement ou un soutien en service de dépistage
- offrent, en collaboration avec le réseau de la santé, le dépistage en milieu communautaire, un milieu où les populations clés se sentent en sécurité et respectées
- militent pour que les intervenant·es communautaires soient habilité·es à effectuer le test de dépistage, afin d’augmenter l’offre et de soulager le système de santé
- distribuent gratuitement des kits d’autotest du VIH, que ce soit à travers le programme J’AGIS ou autre programme propre à ces organisations
Pour faire face aux problèmes d’accès aux soins et aux traitements et pour lutter contre les inégalités sociales de la santé, les organismes communautaires québécois de lutte au VIH :
- proposent des programmes compassionnels d’accès aux traitements aux personnes qui n’y ont pas accès autrement
- innovent en créant par exemple des services de référence et de soutien gratuits pour les personnes vivant avec le VIH qui n’ont pas la carte d’assurance-maladie, comme Le Cercle Orange à Montréal
- apportent une aide aux populations clés dans leur recherche de logement et d’emploi
- redonnent du pouvoir aux personnes vivant avec le VIH, par exemple en les informant de leurs droits, en leur offrant de devenir des leaders et en proposant des lieux et des moments de socialisation, pour briser l’isolement et la marginalisation
- militent pour l’universalité de l’accès aux traitements et à la PrEP
prennent position et militent pour la décriminalisation totale des drogues, du travail du sexe et de la non-divulgation du statut sérologique positif au VIH. - prennent position et militent pour la fin de toute stigmatisation et discrimination, dans le système de la santé et ailleurs
Le milieu communautaire est un lieu d’accueil et de reprise de pouvoir pour les personnes marginalisées, et le milieu communautaire VIH ne fait pas exception.Pour trouver l’organisme communautaire VIH de votre région, se rendre à cette page.