Accommodement en emploi
Il se peut que vous ayez déjà entendu parler d’accommodement religieux dans les médias, mais saviez-vous que dans tout milieu de travail, l’employeur est dans l’obligation d’offrir un accommodement à tout·e employé·e ayant un problème de santé afin de le ou de la maintenir à l’emploi.
En effet, le concept d’accommodement raisonnable, ce n’est pas réservé qu’aux questions de croyances religieuses! C’est un moyen qui permet de faire cesser une situation de discrimination fondée sur un motif donné propre à une personne (l’âge, les croyances, un handicap, l’état civil, etc.) et ce, dans une panoplie de domaines (services publics, école, soins de santé, milieu de travail, etc.).
En milieu de travail, un employeur devra adapter le poste et les conditions de travail d’un·e employé·e vivant avec le VIH qui lui en fait la demande si ces modifications sont justifiées et permettraient à cet·te employé·e de conserver son emploi. Offrir un accommodement à un·e employé·e, c’est donc faire en sorte d’éliminer les obstacles qui l’empêchent d’accomplir les fonctions essentielles de son poste.
1. D’où vient le concept d’accommodement raisonnable ?
L’obligation d’accommodement découle du droit à l’égalité et des dispositions de Charte des droits et libertés de la personne du Québec interdisant la discrimination. Elle consiste à faire exception à une règle qui, bien qu’en apparence « neutre », c’est-à-dire s’appliquant à tout le monde de manière uniforme, n’a pas pour toutes ces personnes les mêmes conséquences.
En effet, une règle qui s’applique de la même manière à tout le monde peut désavantager injustement une personne et créer une situation d’inégalité, voire de discrimination. Un traitement différent – un accommodement raisonnable – face à une telle règle peut donc être nécessaire pour atteindre une réelle égalité entre les personnes à qui elle s’applique.
2. C’est quoi l’accommodement en milieu de travail ?
En milieu de travail, le but de l’accommodement est de permettre à tous et à toutes d’avoir une chance égale en emploi. Il permet d’éviter que des personnes aptes à travailler soient injustement exclues, notamment pour des raisons de santé ou un handicap. La notion d’accommodement oblige ainsi les employeurs à rechercher activement des solutions qui permettront à leurs employé·es d’exercer pleinement leurs droits.
Ces solutions devront être adaptées aux caractéristiques propres à la personne qui subit une discrimination dans son milieu de travail. L’employeur pourrait donc avoir à réorganiser certaines façons de faire afin de répondre aux besoins particuliers d’un·e employé·e et lui permettre d’effectuer les tâches que son poste requiert.
3. Qui a droit à une mesure d’accommodement en milieu de travail ?
Une mesure d’accommodement pourra être accordée à un·e employé·e qui fait face à une situation d’inégalité mettant en jeu sa capacité à accomplir les tâches inhérentes à son poste si il ou elle en fait la demande à son employeur.
Pour demander une mesure d’accommodement en milieu de travail pour des raisons de santé, l’employé·e devra mentionner à son employeur qu’il ou elle a un handicap, et lui faire part des besoins, limitations et restrictions découlant de celui-ci. L’employeur pourra demander une note du médecin de l’employé·e pour appuyer sa demande.
Il faut noter que le droit à l’accommodement n’est pas absolu. En effet, l’accommodement demandé doit être raisonnable, c’est-à-dire qu’il ne doit pas entraîner de contraintes excessives pour l’employeur (Voir 6.2 – La contrainte excessive).
4. Dois-je dire que je vis avec le VIH ?
Il n’est pas nécessaire de dévoiler la nature exacte de son handicap ou de son problème de santé à son employeur pour obtenir un accommodement. L’employé·e pourra demander à son médecin de justifier ses besoins particuliers, ses limitations ou ses restrictions au travail pour « maladie chronique », sans mentionner le VIH.
Une personne vivant avec le VIH qui désire obtenir un accommodement n’a donc pas à dévoiler son statut sérologique à son employeur pour obtenir une mesure d’accommodement, même si celui-ci lui pose une question à ce sujet lors d’un entretien d’embauche, dans un formulaire pré-embauche, dans un examen médical pré-embauche ou en cours d’emploi. Rien ne l’empêche, toutefois, de dévoiler son statut sérologique à son employeur si elle le souhaite.
5. À quoi ressemblent les mesures d’accommodement en milieu de travail ?
Une mesure d’accommodement variera selon les besoins particuliers exprimés par l’employé·e qui en fait la demande. Elle pourra également évoluer au fil du temps. Voici quelques exemples :
L’aménagement du poste de travail de l’employé·e :
- Création d’un espace privé (prise de médicaments, repos)
- Installation d’une rampe ou de mains courantes
- Prévoir une aide, un équipement ou un dispositif particulier
- Prévoir un stationnement réservé
La modification de l’horaire de travail :
- Horaire de travail flexible
- Autoriser des pauses plus fréquentes
- Autoriser des absences pour des rendez-vous médicaux
- Accepter le travail de fin de semaine ou à domicile
La modification des tâches du poste :
- Accepter un emploi à temps partiel
- Partage de poste ou de tâches
Ces points ne sont que quelques exemples de mesures d’accommodement qu’un·e employé·e pourrait demander à son employeur. Il revient à l’employé·e de demander à son employeur une mesure d’accommodement qui correspond à ses besoins et de travailler conjointement avec lui pour trouver des solutions.
Cette collaboration est importante. Bien qu’il revienne à l’employeur de s’assurer qu’il existe une égalité réelle entre ses employé·es, ces dernier·ères doivent, en retour, coopérer avec l’employeur afin de déterminer quelles mesures d’accommodement leur permettraient de participer pleinement à l’effort productif. Ainsi, l’employé·e peut faire des suggestions à l’employeur quant à ses préférences mais il ne peut, toutefois, s’attendre à une solution parfaite. Il ou elle doit accepter les accommodements proposés qui sont raisonnables et qui répondent à ses besoins même s’ils peuvent, dans des cas extrêmes, impliquer des changements dans ses tâches et/ou des baisses salariales. Pour les personnes syndiquées, le syndicat devra également participer activement à la recherche d’un accommodement satisfaisant.
6. Est-ce que ma demande d’accommodement pourrait être refusée par mon employeur ?
Le droit d’un·e employée d’obtenir un accommodement raisonnable en milieu de travail n’est pas automatique, ni absolu. L’employeur peut avoir des motifs légitimes pour refuser d’accorder un tel accommodement, lesquels peuvent découler de la nature du poste occupé par l’employé ou encore, des réalités propres à son entreprise.
6.1 L’exigence professionnelle justifiée
L’exigence professionnelle justifiée (EPJ) est une exception fondée sur les caractéristiques d’un poste et les tâches essentielles qui y sont liées. Elle permet à l’employeur de justifier une norme, une exigence ou une pratique qui pourrait autrement être considérée discriminatoire. L’EPJ vise donc à atteindre un juste équilibre entre la protection des salarié·es contre la discrimination et le droit d’un employeur à gérer son entreprise efficacement.
Au Québec, cette exception est prévue par la loi. Elle est formulée dans la première partie de l’art. 20 de la Charte québécoise des droits et liberté: « Une distinction, exclusion ou préférence fondée sur les aptitudes ou qualités requises par un emploi […] est réputée non discriminatoire. »
Pour jouir de cette exception, l’employeur doit démontrer :
- qu’il a adopté la norme dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause;
- qu’il a adopté la norme particulière en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail;
- que la norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail.
La dernière étape tient compte de l’obligation juridique d’accommodement. À cette dernière étape, l’employeur doit en effet démontrer qu’il lui est impossible d’accommoder l’employé·e sans subir de contrainte excessive.
6.2 La contrainte excessive
Même si l’employeur doit accommoder un·e employé·e qui en fait la demande, cette obligation cesse lorsque l’accommodement demandé constitue une « contrainte excessive » pour l’employeur. Puisque la loi ne donne pas de définition précise de cette expression, la contrainte excessive doit s’apprécier au cas par cas.
L’obligation d’accommodement implique nécessairement que l’employeur devra tolérer un certain niveau de contrainte afin de parvenir à une réelle égalité en milieu de travail. Pour prouver que la contrainte qu’il subirait de l’accommodement est dite « excessive », l’employeur devra démontrer que celle-ci est plus qu’un simple inconvénient. La contrainte devra être réelle et importante.
Les conditions et réalités propres à chaque entreprise seront prises en compte pour déterminer le caractère excessif d’une contrainte. Sont des exemples de critères d’évaluation de la contrainte excessive :
- Le coût de l’accommodement trop élevé pour l’entreprise
- L’effet négatif sur la productivité, le rendement et la charge de travail
- Les risques pour la santé ou la sécurité du demandeur ou d’autrui
- L’atteinte à la convention collective
Celle liste n’est toutefois pas exhaustive.
Dans les cas d’une invalidité temporaire ou intermittente, l’employeur pourrait être obligé de garder l’employé·e à son emploi tant qu’une perspective raisonnable de retour au travail existe. Ainsi, une invalidité épisodique pourrait ne pas satisfaire la définition de contrainte excessive.
La situation est cependant différente dans le cas d’une invalidité permanente. Lorsque les absences pour cause de maladie dépassent un certain seuil et affectent substantiellement la prestation de travail du ou de la salarié·e, l’employeur pourrait être en droit de mettre un terme au contrat de travail. En effet, dans un tel cas, l’employé·e ne peut plus raisonnablement remplir les obligations essentielles associées à son poste.
Chaque situation doit ainsi être évaluée au cas par cas afin de déterminer s’il existe une perspective raisonnable de retour au travail par l’employé·e. Si la réponse s’avère négative, l’employeur ne sera pas obligé d’accommoder l’employé·e qui a une invalidité totale ou permanente.
7. Si l’employeur refuse l’accommodement demandé, que faire ?
Dans le cas où l’employeur refuserait d’accommoder un·e employé·e, et que cet·te employé·e croit avoir ainsi fait l’objet d’une discrimination, des recours sont disponibles pour exiger que l’employeur satisfasse à son obligation d’accommodement et/ou qu’il verse à l’employé·e des dommages-intérêts. À cet égard, consulter la capsule d’information Discrimination et harcèlement. Les autorités compétentes pourront notamment déterminer si l’accommodement demandé devait être accordé, ou s’il en découlait, pour l’employeur, une contrainte excessive.
8. Conclusion
La jurisprudence canadienne a considérablement défendu le droit à l’emploi des personnes aux prises avec des problèmes médicaux tout en évitant de modifier de façon excessive les pratiques d’un employeur. L’obligation d’accommodement est aujourd’hui un outil juridique bien ancré au Canada et cette conception est inhérente au concept d’égalité.
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Mise à jour : janvier 2018