Immigrer au Canada
Une personne vivant avec le VIH peut-elle immigrer au Canada ?
Cette question revient souvent au service VIH info droits. En tant que tel, le fait de vivre avec le VIH ne représente pas un obstacle pour immigrer au Canada. Mais d’autres considérations entreront en ligne de compte et varieront selon que vous fassiez une demande de résidence permanente ou temporaire.
Pour plus d’informations sur l’immigration et le VIH, nous vous invitions à utiliser l’outil VIH et immigration, suis-je admissible?
1. La résidence permanente
Les catégories de personnes pouvant faire une demande de résidence permanente sont notamment : les travailleur·euses qualifié·es, les gens d’affaires et les membres de la famille d’une personne ayant elle-même obtenue sa résidence permanente (par exemple époux·se, conjoint·e de fait, enfants à charge…).
1.1 L’examen médical
Une demande de résidence permanente au Canada requiert, pour tout·e candidat·e âgé·e de plus de 15 ans, un examen médical aux fins d’immigration, lequel inclut un test de dépistage du VIH.
En cas de résultat positif au test de dépistage du VIH, il pourrait être plus difficile pour le ou la demandeur·euse d’immigrer au Canada à titre permanent. En effet, les lois et politiques canadiennes, sans mentionner spécifiquement le VIH, prévoient une inadmissibilité à la résidence permanente « pour raisons médicales ».
Un refus de résidence permanente pour ce motif est justifié par l’un des deux critères suivants :
- La personne peut vraisemblablement représenter « un danger pour la santé ou la sécurité publique ». Toutefois, ce critère n’est plus appliqué aux personnes vivant avec le VIH par les services d’immigration1;
- La personne peut représenter un « fardeau excessif »pour les services sociaux ou de santé au Canada.
1.2 Le critère du fardeau excessif
Le critère du fardeau excessif permet aux services d’immigration de limiter l’admissibilité des demandeur·euses de résidence permanente en refusant les applications sur la base des coûts (le « fardeau » que le ou la demandeur·euse pourra occasionner en services de santé et services sociaux).
Le fardeau sera dit « excessif » dans deux circonstances :
- Les coûts prévisibles reliés à la santé et aux services sociaux qu’occasionnera le ou la demandeur·euse dépassent la moyenne annuelle par habitant·e au Canada (moyenne calculée entre 5 ou 10 années consécutives, selon les cas);
- Lorsque la charge pour les services sociaux ou les services de santé viendrait allonger les listes d’attente actuelles au Canada et augmenterait le taux de mortalité et de morbidité au Canada vu l’impossibilité d’offrir en temps voulu ces services.
Concrètement, ce critère signifie que le Canada ne souhaite pas engager, pour les demandeur·euses de résidence permanente, des dépenses en santé et en services sociaux qui sont supérieures à celles engagées en moyenne pour les résident·es du Canada.
Ce qu’il faut aussi savoir, c’est que la notion de « fardeau excessif » ne tient pas uniquement compte de l’état de santé actuel du ou de la demandeur·euse, mais également de ce qu’il ou elle pourrait éventuellement représenter en termes de coûts sur les soins de santé. Ainsi, les services d’immigration évalueront également si le ou la demandeur·euse pourrait représenter un fardeau excessif en services sociaux ou de santé au cours des dix (10) prochaines années. Peu importe que vous n’ayez pas besoin de soins et/ou de soutien au moment de la demande : le calcul ne porte pas sur les coûts réels, mais plutôt sur les coûts prévisibles qu’une personne pourrait engendrer. Ainsi, s’il est considéré que votre risque est plus élevé que la moyenne d’être hospitalisé·e ou que vos besoins médicaux pourraient devenir trop onéreux dans les dix (10) années suivant votre demande, celle-ci pourrait être refusée.
C’est donc principalement des raisons financières qui entreront en considération dans l’étude de la demande de résidence permanente. Or, étant donné le coût élevé des médicaments antirétroviraux, les personnes vivant avec le VIH qui présentent une demande de résidence permanente pourraient potentiellement représenter, pour Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), un « fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé ». (Voir les sections 1.3 et 1.4).
Cette considération du risque de « fardeau excessif » ne s’appliquera pas aux cas suivants :
- si votre demande est faite à titre de réfugié·e ;
- si vous êtes parrainé·e à titre de conjoint·e ou enfant à charge d’un citoyen·ne ou résident·e permanent·e du Canada.
Dans ces deux situations, votre séropositivité au VIH ne sera pas un obstacle à votre demande de résidence permanente. Toutefois, vous devrez signer un document qui autorise les services d’immigration à informer la personne qui vous parraine et/ou votre partenaire vivant au Canada de votre statut sérologique. En effet, la Politique sur la notification automatique des partenaires prévoit, pour les demandeur·euses séropositif·ves au VIH dans les catégories du regroupement familial et des personnes à charge de réfugié·es, un délai de 60 jours à partir de la date où ils ou elles sont informé·es de la Politique pour révéler volontairement leur état santé à leur époux·se, conjoint·e ou partenaire. Si vous refusez ce dévoilement à la personne qui vous parraine et/ou votre partenaire vivant au Canada, vous devrez retirer votre demande de résidence permanente.
1.3 La politique temporaire d’intérêt public
Le gouvernement du Canada a récemment créé une exemption à l’application de la politique relative au « fardeau excessif » sur les services sociaux ou de santé, laquelle est en vigueur depuis le 1er juin 2018. Cette exemption revoit le seuil de « fardeau excessif » de manière à faciliter l’obtention de la résidence permanente pour les requérant·es dont les coûts en matière de soins de santé et services sociaux dépassent la moyenne canadienne.
Ainsi, le nouveau seuil en vigueur depuis le 1er juin 2018 est rehaussé à trois fois la moyenne canadienne. Cela pourrait grandement faciliter l’obtention de la résidence permanente pour les personnes vivant avec le VIH puisque le coût de la plupart des antirétroviraux se situe en dessous de ce montant.
Le calcul des coûts se fait néanmoins de la même façon : il porte sur des coûts prévisibles plutôt que réels et le calcul se fait sur une période pouvant aller jusqu’à dix (10) années suivant la demande.
Cette nouvelle politique s’applique aux demandes qui ont été soumises le ou après le 16 avril 2018. La nouvelle politique s’appliquera également aux demandes qui étaient en suspens à cette date.
1.4 Le plan d’atténuation
Le 31 décembre 2009, la Cour fédérale a rendu une décision qui oblige le gouvernement à étudier la possibilité qu’une personne puisse subvenir à ses propres besoins (en ayant, par exemple, une assurance privée). La Cour a conclu que la capacité et la volonté des demandeur·euses à défrayer les coûts de leurs médicaments sur ordonnance sont des facteurs à considérer pour évaluer si les besoins occasionnés par l’état de santé d’un·e demandeur·euse constituent un « fardeau excessif ».
Ainsi, si jamais une personne dépasse le seuil de « fardeau excessif », les services d’immigration doivent lui permettre de fournir un plan d’atténuation au sein duquel elle devra démontrer qu’elle pourra réduire ou du moins, couvrir une partie de ses médicaments.
La qualité du plan d’atténuation est l’élément le plus important pour évaluer la capacité et l’intention du ou de la demandeur·euse. Il doit être réalisable et crédible, en plus de tenir compte des besoins réels de la personne concernée.
En 2010, la Cour fédérale a rendu une autre décision qui oblige le gouvernement à faire un examen des circonstances qui sont spécifiques au ou à la candidat·e et qui empêche de simples conclusions générales. Les médecins des services d’immigration doivent donc procéder à une évaluation individualisée du dossier médical, des médicaments nécessaires, de l’admissibilité à une assurance médicaments privée et/ou la capacité de se désengager du régime d’assurance médicaments financé par la province ou le territoire où le ou la demandeur·euse a l’intention de résider.
1.5 En bref
Pour résumer, même si le critère du « fardeau excessif » limite l’admissibilité à la résidence permanente, la nouvelle exemption prévue dans la Politique temporaire d’intérêt public offre une lueur d’espoir. Au lieu d’établir le seuil d’amissibilité à la moyenne canadienne de coûts reliés à la santé et aux services sociaux, l’exemption permet d’admettre un·e demandeur·euse dont les coûts prévisibles représenteront jusqu’à trois (3) fois la moyenne canadienne. Les demandeur·euses de la résidence permanente dont les coûts en santé et en services sociaux demeureront plus élevés que ce nouveau seuil auront néanmoins toujours la possibilité de présenter un plan d’atténuation.
2. La résidence temporaire
2.1 La résidence temporaire de courte durée (moins de 6 mois)
Les requérant·es à cette résidence ne sont généralement pas admissibles aux régimes provinciaux d’assurance santé (hôpitaux et médecins). Par conséquent, dans la plupart des cas, ils ou elles ne présentent pas le risque d’imposer un « fardeau excessif » sur les services sociaux ou de santé.
Ainsi, et contrairement à la résidence permanente, si vous devez faire la demande d’un visa de résident temporaire (- de 6 mois), vous devez passer un examen médical seulement si vous avez l’intention d’exercer au Canada une profession où la protection de la santé publique est essentielle (par exemple : travailleur·euses dans le domaine des services de santé, dans les laboratoires cliniques, les enseignant·es d’écoles primaires et secondaires, les employé·es de garderie).
Il faut tout de même savoir que les agent·es de visa conservent le pouvoir discrétionnaire de requérir un examen médical à tout moment, s’ils estiment que les réponses du ou de la requérant·e le justifient.
Enfin, il est fortement recommandé aux personnes séjournant de manière temporaire au Canada, et donc non-admissibles à un régime public d’assurance maladie, de se prémunir d’une assurance privée qui couvrira les soins de santé requis en cas d’accident durant la durée du séjour. Ces polices d’assurance sont généralement connues sous le nom de « Assurance voyage visiteur au Canada » et il est important de se renseigner sur les conditions préexistantes et les exclusions possibles.
2.2 La résidence temporaire de longue durée (plus de 6 mois)
Il se peut que vous deviez passer un examen médical aux fins d’immigration (incluant un test de dépistage du VIH) et que l’on examine votre demande de visa en tenant compte de votre état de santé. Cela dépendra en grande partie de la durée prévue de votre séjour au Canada, de votre admissibilité à l’assurance santé publique, ainsi que de votre état de santé en général.
De plus, certain·es requérant·es auront l’obligation de se soumettre à un examen médical. Ce sont les personnes :
- ayant vécu six mois ou plus dans un « pays désigné », c’est-à-dire un pays dans lequel certaines maladies transmissibles sont plus prévalentes qu’au Canada ;
- venant au Canada pour exercer une profession où la protection de la santé publique est essentielle (par exemple : travailleur·euses dans le domaine des services de santé, dans les laboratoires cliniques, les enseignant·es d’écoles primaires et secondaires, les employé·es de garderie) ;
- cherchant un « super visa » comme le parent ou grand-parent d’un·e citoyen·ne canadien·ne (le super visa est un visa de 2 ans qui peut être renouvelé cinq fois jusqu’à une durée maximale de 10 ans) ;
- se présentant à la frontière ou un port d’entrée manifestement dans un état de mauvaise santé.
En cas d’examen médical (qui inclut automatiquement un test du VIH), votre demande sera traitée de la même manière qu’une demande de résidence permanente. Vous devrez démontrer que vous n’imposerez pas un « fardeau excessif » sur les services de la santé et services sociaux du Canada pour la durée de votre séjour au Canada. Dans l’alternative, vous pourrez fournir un plan d’atténuation réalisable et crédible pour couvrir le coût de vos médicaments et vos soins pendant votre visite au Canada, le cas échéant.
3. La demande d’asile
Les « personnes protégées » et les réfugié·es doivent passer l’examen médical d’IRCC, mais ils et elles sont exempté·es de l’inadmissibilité en raison du risque d’imposer un fardeau excessif pour les services de santé. Après avoir déterminé qu’un·e demandeur·euse d’asile répond aux critères du régime de protection, il ou elle peut déposer sa demande de résidence permanente au Canada même s’il ou elle a besoin de soins et d’antirétroviraux. Il ou elle peut ensuite s’inscrire aux régimes provinciaux d’assurance santé comme tout·e autre résident·e permanent·e.
Depuis 1991, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) ne considère plus la séropositivité comme un danger pour la santé publique ou pour la sécurité. Voir la page Web de CIC intitulée « Danger pour la santé ou la sécurité publiques ». Voir aussi l’article 17.3 du document de CIC « ENF 4 – Contrôles aux Points d’entrée».
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